Difficile de résumer une quarantaine de romans en quelques lignes, surtout pour ce qui paraissait à l’origine une « simple » parodie de l’Anneau Monde de Larry Niven ou l’univers si riche de JRR Tolkien. Je vais pourtant m’y attacher en vous présentant cette drôle de planète qu’est le Disque-Monde, terre plate jonchée sur quatre éléphants, eux-mêmes portés par la Grande A’Tuin, tortue interstellaire navigant au gré des vents cosmiques – qui n’est pas sans rappeler la cosmogonie hindoue (qui rajoute un serpent sous la tortue, pour faire bon effet.)
Sur ce monde vivent et se côtoient avec plus ou moins de bonheur toutes les espèces mythiques connues et inconnues : humain, nains et trolls, vampires et loups-garous… La planète est divisée elle aussi en continents qui ne sont pas sans rappeler notre propre univers. Ainsi le Klatch, XXXX ou l’empire Agatéen font-ils écho au monde Arabe, à l’Australie ou aux Empires d’Orient.
Les romans, eux, se partagent entre les différents héros, qui parfois se croisent au détour d’une aventure. L’on rencontre en vrac : le commissaire-divisionnaire incorruptible Vimaire de la cité d’Ankh-Morpork, pour des romans policiers échevelés, dirigeant d’un Guet éclectique censé assurer la sécurité et la probité de la cité sous l’œil sévère et despotique (mais éclairé) d’Havelock Vétérini ; les aventures rocambolesques de Rincevent, le mage le moins doué de l’Université de l’Invisible, dont le seul pouvoir est de courir vite ; les tribulations non moins rocambolesques des mages de cette même Université de l’Invisible ; le convent de sorcières composé de la mégère Mémé Ciredutemps, la joviale Nounou Ogg et la « jeune fille » Magrat Goussedail, qui sera au fil des péripéties remplacée par Agnès Créttine, autrement connue sous le nom plus romantique de Perdita, sa double personnalité. Ah, et puis aussi La Mort, oui, elle-même, squelette encapuchonné porteur de la Faux du Destin, cherchant – maladroitement – à comprendre l’Homme et amoureux des chats.
Au travers de ses récits, c’est aussi un portrait cynique de notre société que feu Terry Pratchett (qui nous a quitté en 2015) nous offre : politique, cinéma, sport, économie, tout y passe avec un bonheur toujours égal. Mon premier roman : Pieds d’Argile (XIXe tome). Mes préférés : Le Père Porcher (XXe tome ; Ah, Monsieur Lheureduthé (prononcez « Le Redouté »)), Le Faucheur (Xie tome), Mécomptes de Fées (XIIe tome)
Curieusement, malgré la présence constante de la magie dans cet univers foisonnant et – bien que délirant et parodique, qui se tient parfaitement), on sent l’approche de Terry Pratchett plutôt pragmatique : les sorcières croient plus en la « têtologie » qu’en la vraie magie (même si elles disposent de pouvoirs a priori indicibles), les mages de l’Université n’usent que pas ou peu de leur pouvoir, expliquant qu’il faut autant d’énergie pour ouvrir une porte physiquement que par magie et qu’on risquerait d’ « avoir le cerveau qui coule par les oreilles ». Et que pour effectuer un sort, nul n’est besoin de bougies noires et de sacrifices de vierge… Ils passeront donc la plupart de leurs aventures à dormir, manger, se chamailler et résoudre des énigmes magiques par… hasard. Sans parler du rapport à la technologie avec, notamment les déconvenues de Cogite Stibon, responsable de la section « Magie des Hautes Energies » créateur de Sort, artefact d’ordinateur qui se mettra à se développer tout seul ; constitué de bric et de broc, d’une souris et de fourmis courant dans des tuyaux, il sera parfois utile pour résoudre – ou créer – des mystères auquel seront confrontés l’archichancelier Mustrum Ridculle, le bibliothécaire malencontreusement transformé en orang-outan dans les premiers tomes et heureux de sa condition, et toute la clique de vieillards barbus et ventripotents.
Terry Pratchett a su créer un univers riche et attachant, et la magie n’est-elle pas ici ?
STEIN.S