D’OR et D’OREILLERS de Flore VESCO édité chez L’École des Loisirs.

Flore VESCO est une écrivaine plutôt étiquetée « Jeunesse », bien que ses livres fassent du bien à tout le monde. Ses personnages sont surtout des filles mais ses histoires devraient être lues par les garçons.

Elle a écrit « De cape et de mots » qui raconte les aventures de Serine, qui refusant de se marier, devient Dame de compagnie d’une reine frivole et antipathique. Le livre met déjà en avant une héroïne forte, dans une histoire qui parle avec légèreté de problème sérieux.

Elle enchaine avec « L’estrange malaventure de Mirella » chez Pocket Jeunesse, aventure rigolote et grave qu’on a beaucoup aimée chez Cyberunes. Elle joue avec le mythe du joueur de flute, et en profite pour parler d’indépendance féminine, de la peur du viol, du mépris de classe et…de la mort. Oui, rien que ça !

Et puis là, elle nous sort D’Or et D’Oreillers.

D’abord, une couverture sublime, d’inspiration Klimtienne, qu’on met du temps à lire réellement.

Puis une histoire, là aussi inspirée d’un conte, celui de la princesse au petit pois. Oui, mais voilà, Flore Vesco en fait ce qu’elle veut des contes de fées :

-Et le petit pois ?
-Le petit pois, voyons ! Vous pensez bien qu’il n’y en avait pas plus que de citrouilles et de haricots magiques. Ou de bébés qui germent dans les roses et les choux. Cette manie de masquer la réalité derrière des légumes ! Ma douce, le conte du petit pois sous le matelas, c’est une soupe qu’on fait avaler aux fillettes innocentes.

Voila, ça plante le décor. Les petits pois finissent à la casserole.

Et à propos de finir à la casserole, et bien, l’histoire commence justement avec ça.

Un très riche lord rentre chez lui, et cherche une épouse. Les dames de la hautes veulent absolument caser leurs filles, et ce, sans ne prendre aucun compte des désirs de ses dernières. Et même lorsque le lord précise qu’il ne choisira une femme qu’une fois qu’elle aura dormi dans son lit (scandale, horreur), toutes ses bonnes mères vont rivaliser d’invention pour glisser leurs filles sous les couettes sans que cela n’entache leur réputation.

Il en allait des filles comme des bagages : moins elles prenaient de place, et plus elles étaient faciles à caser.

Cela importe peu à Sadima qui n’a rien à perdre et veut bien se perdre sous une pile d’oreillers.

Mais l’histoire n’est pas si simple et ors et draps de satin recouvrent une vérité plus étrange.

Ici encore, une héroïne qui refuse toutes les voies traditionnelles du conte merveilleux. Sous des dehors légers comme des plumes, on y parle de désirs féminins, de la construction de l’amour passant par la sensualité, et de l’amour dévorant qui enferme l’autre. Car s’ il y a de l’or de cette histoire, il y a aussi des cadavres dans les placards.

C’est une histoire d’amour, oui, qui parle de corps sans jamais être cru. Ce n’est jamais du cul, mais beaucoup de peau, de mains, de doigts, de regards, et de…je vous laisse découvrir.

Je vous le dis, Flore VESCO a l’art de parler de problèmes très sérieux avec beaucoup de finesse et d’humour.

J’aurai adoré lire ce livre à mon adolescence.

D’ailleurs, il devrait être une lecture obligatoire dans tous les collèges. On pourrai apprendre à parler sexualité sans parler seulement de risques et de MST, sans mièvrerie ni naïveté.

On pourrait y parler, comme Flore VESCO, de peur, de découverte du corps, avec beauté et délicatesse.

Et puis, on pourrait en rire aussi, car quelquefois, l’amour, de soi et des autres, ça fait du bien.

Il revint sur le dos. Comme il avait gardé les paupières fermées, elle s’autorisa à laisser son regard descendre. Le long du torse, puis plus bas. Jusque-là. Elle s’y attarda, les yeux rivés.
– Sadima ? dit-il soudain.
Elle sursauta, rougit violemment et détourna vite le regard. Il se souleva sur un coude :
– Vraiment, à ce stade, je pense que vous pouvez m’appeler Adrian.

Gustave KLIMT-Le Baiser