PIRANESE de Suzanna CLARKE

Imaginez un palais immense, dont les salles se comptent par centaines, peuplé de statues de marbre blanc.

Imaginez, en bas l’océan, parfois sage, parfois furieux, dont les battements, comme un cœur, font résonner les murs et donnent aux pierres un brillant d’humidité saline.

Au milieu, les oiseaux passent, tressent leurs nids de lambeaux d’algues et de feuillets de papier dans les bras des géants immobiles.

Et puis en haut, le ciel, les nuées et l’eau qui tombe en cascades fraiches illuminées de soleil.

« Je », le narrateur, vit là, dans ce monde dont il connait le moindre recoin, la moindre salle. C’est son domaine et il en maitrise les dangers, les arcanes, prend soin de ce château et des morts qui s’y trouve.  Car « Je » est l’enfant chéri du palais blanc et sa vie, en rythme avec les marées, est en osmose parfaite avec ce lieu fantastique.

« Je » rencontre tous les mardi et jeudi, « l’autre ». Celui-ci est persuadé qu’un secret terrible et puissant est caché quelque part, et qu’ensemble, ils vont trouver un jour, la clef du savoir universel. Furieusement dissemblables, les deux personnages se complètent, se heurtent, se disputent, sont indissociables.

Mais bien sûr, rien n’est immuable, même dans un palais onirique et étrange. Une fissure, un doute, et peu à peu, le monde de « je » va se disloquer.

 Alors, si vous cherchez l’aventure spectaculaire et flamboyante, passez votre chemin. Piranèse est un roman lent, contemplatif, et c’est l’ingénuité de son héros qui va nous permettre de glisser le long des pages. Car « Je », le narrateur est extrêmement touchant.

 À la fois naïf et très intelligent, poète et pragmatique, ce drôle de personnage va nous amener peu à peu à la compréhension du lieu, de la temporalité, et va nous ramener vers la réalité.

Pas de grosse surprise sur la fin qui aurait mérité plus d’originalité, vu le contexte du livre et vu son ambiance magnifique, mais une conclusion plutôt nuancée, qui, si elle ne livre pas toutes les réponses, nous prouve bien qu’il n’est nul besoin de résoudre tous les mystères d’une histoire pour l’apprécier.

Piranèse est un roman court, dont il faut accepter le rythme lent, les images étranges. Mais si vous acceptez de vous laisser promener, la balade est belle et le protagoniste va vous marquer par son humanité. Héros bien plus nuancé qu’il ne l’apparait, notre personnage vous laisse la porte ouverte.

À vous de voir si vous voulez rêver.

 Une autre fois, en pénétrant dans le Neuvième Vestibule, je le trouvais rempli de petits oiseaux. Il y en avait de différentes espèces, mais surtout des hirondelles. Je n’avais pas fait plus de quelques pas à l’intérieur du Vestibule, qu’une colonie d’entre elles s’envola. Elles piquèrent ensemble d’un seul coup jusqu’au Mur Est, puis, d’un grand coup d’ailes, jusqu’au Mur Sud avant de virer pour venir décrire une vague spirale autour de moi.

-Bonjour, lançais-je. J’espère que vous allez bien ?